Depuis plus d’un siècle, on va répétant chaque jour qu’il fut promptement abandonné par les spectateurs, et que Molière fut obligé, pour le soutenir, de composer précipitamment Le Médecin malgré lui. Le fait est singulier, piquant ; il plaît à notre malice, en nous offrant une preuve signalée de la vanité et de l’inconséquence des jugements publics ; il tend même à rehausser la gloire de Molière, en nous le montrant supérieur à son siècle ; enfin, il peut servir au besoin à consoler la vanité de quelque auteur dont l’ouvrage n’aura pas été accueilli au gré de ses espérances. […] Enfin, chez nous-mêmes, un auteur du dernier siècle, de Lisle, a transporté le misanthrope d’Athènes sur la scène italienne, scène subalterne et peu régulière qui permit à l’auteur de montrer l’âne de Timon métamorphosé en arlequin, et donnant à son maître des leçons de sagesse et de bonté dont il profite. […] Il me semble que, comme singularité littéraire, la vérité vaut bien l’erreur si accréditée qu’on y substitue depuis plus d’un siècle. […] L’Astrée avait eu, au commencement du siècle, un succès prodigieux qui durait encore : ce roman servait toujours de modèle à tous les arts qui voulaient tracer des images champêtres.