/ 139
24. (1862) Molière et ses contemporains dans Le Misanthrope (Revue trimestrielle) pp. 292-316

Toutefois, la ressemblance que le public a cru trouver entre Alceste et le duc de Montausier est un fait attesté par le témoignage de plusieurs contemporains5 ‌; et si l’on tient compte de la réputation dont jouissait cet homme de cour et que la plupart des écrivains de son siècle se sont plu à confirmer, ce fait s’explique aisément. […] D’une part, s’élevant au-dessus des scènes de la vie réelle, il étudie l’homme dans sa partie éternelle et invariable, indépendante de l’influence d’un siècle ni d’un pays ; de l’autre, saisissant le côté mobile et fugitif de la nature humaine, il vivifie ses conceptions par les traits piquants de l’observation, pour donner ¡aux physionomies dramatiques un cachet d’actualité. […] Comme ces sorciers du moyen âge, qui faisaient apparaître dans un miroir magique l’image de la création, Molière a évoqué l’homme du xvIIe siècle et les hommes de tous les siècles, les faiblesses et les vices qui survivent à toutes les transformations sociales, et les ridicules qui changent comme les modes24. » En admirant les créations de ce génie puissant, aussi vraies, aussi vivantes, aussi variées, que celles de la nature même, on est tenté de s’écrier, comme le critique Aristophane en admiration devant le génie de Ménandre : « O Molière! […] Comme l’affaire: de la comédie est de représenter en général tous les défauts des hommes et principalement des hommes de notre siècle», il est impossible à Molière de faire aucun caractère qui ne rencontre quelqu’un dans le monde29. » Peindre les mœurs sans, vouloir tomber aux personnes, représenter en général tous les défauts des hommes et en particulier des hommes, de sait siècle , voilà donc tout.

/ 139