Je vous vis dernièrement, lui dit Racine, à la pièce de Molière, et vous riiez tout seul sur le théâtre. […] La plus belle scène de l’ouvrage peut-être, celle du moins où le comique a le plus de force et de profondeur, la scène où le fils d’Harpagon reconnaît dans son père même l’infâme usurier qui travaille à sa ruine, n’appartient pas à Molière : il l’a prise et ne l’a pas prise seule dans La Belle Plaideuse, de Boisrobert, homme à bons mots, mais auteur plus médiocre encore que fécond, qui n’avait sans doute vu qu’une situation propre à exciter le rire, là même où son heureux plagiaire trouva la matière d’une des plus hautes leçons que puisse donner le théâtre. […] Obligé de recevoir à souper son gendre futur, Harpagon profite de l’occasion pour inviter sa maîtresse : il n’aurait garde de faire les frais d’un repas pour elle seule. […] On se divertirait encore plus au parterre, si l’on se divertissait moins sur le théâtre : le public aime à rire tout seul ; et c’est surtout le sérieux des autres qui le fait rire. […] Le Moron de La Princesse d’Élide et le Clitidas des Amants magnifiques sont deux personnages dont l’humeur est semblable, dont le rôle est pareil, et dont le costume seul diffère quelque peu.