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3. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Introduction » pp. 3-17

Vous avez beau remonter à l’origine des choses et des idées ou à l’A B C de la grammaire et de la rhétorique, suivre un à un les pas de la logique ou faire appel au sens commun simplement, mettre en avant la raison ou, ce qui vaut mieux, la nature ; au fond de toutes vos théories littéraires il y a un sentiment, pas autre chose, analogue, non point au sentiment large d’un homme libre de préjugés qui trouve belles toutes les belles fleurs et belles toutes les belles femmes, chacune dans son genre de beauté, mais au sentiment étroit d’un petit propriétaire qui n’a d’yeux que pour les fleurs de ses plates-bandes et de ses pois, ou d’un jeune amoureux prêt à rompre les os au premier qui osera dire que sa maîtresse n’est pas la plus belle femme du monde. […] Mais vous avez tort de tirer de ce sentiment si juste des propositions universelles et des règles absolues sur le caractère nécessaire du génie comique, et sur l’essence éternelle de la comédie. […] Saisissons dans leur fleur ces premiers sentiments délicats et fugitifs qui naissent en nous spontanément avant toute réflexion : la critique littéraire n’est que l’analyse des sentiments littéraires. […] vous montrez aux faiseurs de théories qu’au fond de tous leurs dogmes il y a un sentiment, pas autre chose, un sentiment étroit, exclusif, passionné, et puis vous donnez à la critique ce sentiment pour base !

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