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119. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V. » pp. 71-105

Si, malgré cet objet qui vous a pu surprendre, Prince, vous me rendez ce que vous devez rendre, Et ne demandez pas d’autre preuve que moi Pour condamner l’erreur du trouble où je vous vois ; Si de vos sentiments la prompte déférence Veut, sur ma seule foi, croire mon innocence, Et de tous vos soupçons démentir le crédit, Pour croire aveuglément ce que mon cœur vous dit, Cette soumission, cette marque d’estime, Du passé, dans ce cœur, efface tout le crime : Je rétracte à l’instant ce qu’un juste courroux M’a fait, dans la chaleur, prononcer contre vous ; Et, si je puis un jour choisir ma destinée, Sans choquer les devoirs du rang où je suis née, Mon bonheur, satisfait par ce respect soudain, Promet à votre amour & mes vœux & ma main. […] Oui, j’avoue que ce cavalier & moi nous nous sommes plusieurs fois embrassés tendrement : j’avoue encore que, sans ton impatience & ton arrivée imprévue, nous serions ensemble dans le même lit ; j’avoue que je n’ai point été surprise, que c’est parceque je l’ai bien connu que je l’ai reçu dans mon appartement : ce n’est pas le sang qui nous unit, mais ce sont les plus tendres sentiments ; & la tendresse la plus vive lie nos deux cœurs. […] Je ne puis croire que vous ayez le moindre sentiment d’estime pour moi, si vous ne m’en donnez aujourd’hui une preuve, en me jugeant digne de devenir votre épouse, en me croyant vertueuse sur ma parole, malgré les apparences qui déposent contre moi.

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