On sait à Paris qu’une partie de la Suisse parle la langue française ; mais les mots ont-ils le même sens, les mêmes expressions rendent-elles les mêmes idées des deux côtés du Jura ? […] Tel homme (il nommait Vinet) parle assurément le français aussi purement qu’on puisse le parler en France ; il y a mieux : il donne assez ordinairement aux mots le sens que, dans leur mobilité, ils revêtent à Paris, à l’heure où il parle ; et cependant ses expressions, comme ses idées, ont un point de départ et un rayonnement différent de celui qu’ils ont sur terre française. […] Vinet avait déployé dans les siens une égale puissance de synthèse et d’analyse, un tact exquis, une noblesse d’âme peu commune, une union rare du sens moral et du sens littéraire et une indépendance d’esprit qui n’était tempérée que par son inépuisable indulgence. […] L’homme de cœur se montre derrière l’homme de sens. […] Aujourd’hui nous attachons à ces deux mots un sens plus moral et plus bourgeois.