Qu’il s’agisse d’un père égoïste qui veut marier sa fille contre son gré ; d’un tuteur égoïste qui prétend s’imposer comme époux à sa pupille ; d’un médecin qui fait périr dans les règles ses malades à grand renfort de purges et de saignées ; d’un dévot qui subordonne aux devoirs envers le ciel les sentiments humains et sympathiques, Molière n’a qu’un cri : « Vous offensez la nature. » Dans un siècle où la discipline catholique tendait à régir toutes les consciences, où le dogmatisme, la casuistique, le formalisme, la prétendue tradition encombraient toutes les branches de la science, opprimaient tous les efforts de la pensée, Molière, poursuivant l’œuvre d’une partie des écrivains du xvie siècle et préludant à celle des philosophes du xviiie siècle, mais conservant un sens positif de la discipline humaine qui ne se retrouvera guère que, de nos jours, chez Comte et ses disciples, défend hardiment la nature et la raison. […] Mortifiez vos sens avec ce mariage Et ne me rompez pas la tête davantage… Par de tels propos, Molière nous fait sentir qu’il a fallu, pour corrompre la bonne nature d’un père, le zèle de cet incomparable directeur qui « comme du fumier regarde tout le monde ».