Mais quand il peint les grands vices, se contente-t-il de les condamner dans ce qu’ils ont d’évidemment condamnable, et d’exprimer la morale du code ; ou bien son esprit profond sait-il joindre à cette peinture des traits qui prouvent qu’il les hait plus vigoureusement que le vulgaire, et qu’il veut qu’on en soit choqué, non-seulement dans leur développement monstrueux, mais encore dans leur naissance imperceptible et dans leurs conséquences éloignées, presque indifférentes à tout autre qu’au véritable homme de bien ? […] Que Molière ait su allier à ce caractère odieux une élégance chevaleresque, une audace juvénile42 qui empêchent que l’horreur ne nous prenne trop vile, et qui intéressent encore au héros, si méprisable qu’il soit ; qu’il ait agréablement mêlé à l’intrigue les traits et les situations les plus comiques, pour rester dans le domaine de la comédie, et ramener le rire chez le spectateur prêt à subir des émotions moins gaies, c’est une habileté d’auteur qu’on doit admirer, et qui ajoute grandement au mérite d’une pièce si difficile à rendre attrayante sans rendre le vice lui-même attrayant. […] Il ne pouvait exposer sur la scène les motifs philosophiques qui lui faisaient condamner la mort de Caton ; mais il savait dans la plaisanterie faire entendre la haute voix du bon sens et du devoir, contre l’acte de désespoir et de lâcheté qui fait rompre avec la vie, plutôt que d’en porter vaillamment les épreuves. […] « On ne saurait signaler (dans le Dépit amoureux) aucune intention de satire contemporaine, si ce n’est peut-être le passage où un bretteur du nom de La Rapière vient offrir ses services à Eraste qui les refuse avec mépris. […] … Notre roi n’est pas un monarque en peinture : Il sait faire obéir les plus grands de l’état, Et je trouve qu’il fait en digne potentat.