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43. (1884) Tartuffe pp. 2-78

Prenant à corps, parmi les gens qui l’avaient attaqué, ceux qui touchaient de plus près au roi, les chefs laïques de la cabale, il avait hardiment fait voir que leur fait n’était qu’hypocrisie, il avait placé dans leur bouche même l’éloge du vice à la mode, du grand moyen de parvenir, caricaturé le prince de Conti peut-être, les raffinés, les corrompus, athées au fond, et mêlé cette satire à une étrange comédie où lui-même se permettait des libertés inconnues et lançait, dans la scène du Pauvre, ce mot d’humanité qui, sautant par-dessus le siècle, ne devait être relevé que dans le nôtre. […] Molière retoucha son Cléante ; il le fit plus grave, lui retira la raillerie, lui donna l’indignation ; il lui mit dans la bouche la fameuse tirade, inspirée par Condé et dont celui-ci a fait peut-être le vers : Il est de faux dévots ainsi que de faux braves ; et sans le faire un vrai dévot lui-même (Molière ne s’y résigna pas), il lui fit faire leur éloge en même temps que la satire des grimaciers. […] Dans l’exposition d’abord : c’est Cléante qui répliquait à Mme Pernelle et faisait la satire des voisins : Daphné et son petit époux. […] Tous les mouvements qui s’élèvent en lui sont sanctifiés par cela même ; il ira donc droit devant lui, souriant et béat, sur les ruines de la famille ; il mangera en conscience, il dormira sans trouble ; redoutez-le d’autant plus qu’il est sincère, et comme le dit superbement la satire de Du Lorens : Gardez-vous bien de lui, les jours qu’il communie. […] Car ce que fait ici Tartuffe en exposant la vérité pure avec tant de franchise, c’est la satire des confessions générales ; c’est la charge de l’humilité chrétienne, c’est la caricature de l’Évangile.

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