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62. (1824) Notice sur le Tartuffe pp. 91-146

C’est ainsi qu’il faut profiter des faiblesses des hommes, et qu’un sage esprit s’accommode aux vices de son siècle. » Certes une pareille scène a été moins faite pour peindre Don Juan que pour préparer le Tartuffe ; on y voit percer le chagrin d’un honnête homme indigné des lâches cabales de ses ennemis, et l’on sent que, comme son Alceste, il a pour les méchants des haines vigoureuses. […] On s’étonne que Molière ait attendu l’absence du roi pour faire jouer le Tartuffe ; ce qu’on regarde comme une imprudence n’est-il pas au contraire le résultat d’un calcul très sage ? […] Ce serait trahir visiblement la cause du ciel dans une occasion où sa gloire est ouvertement attaquée, où la foi est exposée aux insultes d’un bouffon qui fait commerce de ses mystères et en profane la sainteté, qui foudroie et renverse tous les fondements de la religion à la face du Louvre, dans la maison d’un prince chrétien, à la vue de tant de sages magistrats et si zélés pour les intérêts de Dieu, en dérision de tant de bons pasteurs que l’on fait passer pour des Tartuffes ! […] Il serait possible que cette intention fut entrée pour quelque chose dans l’addition de cette scène ; mais il est plus vraisemblable que, soit pour s’assurer de plus en plus la protection du prince dont Molière connaissait le faible pour la louange, soit pour préparer le dénouement où sa royale autorité devait intervenir, il fut bien aise d’amener par la pétulance de Damis ces vers qu’il a placés dans la bouche du sage Cléante : Modérez, s’il vous plaît, ces transports éclatants ; Nous vivons sous un règne et sommes dans un temps Où par la violence on fait mal ses affaires. […] le sage Cléante lui répond : Quoi !

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