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60. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

Enfin, on prendrait la liberté de dire que Le Misanthrope est une satire plus sage et plus fine que celles d’Horace et de Boileau, et pour le moins aussi bien écrite, mais il y a des comédies plus intéressantes ; et que Le Tartuffe, par exemple, réunit les beautés du style du Misanthrope, avec un intérêt plus marqué. […] Mais comme il ne pourrait le faire paraître sans avoir matière, l’auteur a cherché toutes les choses qui peuvent exercer la patience des hommes : et comme il n’y en a presque point qui n’ait quelque procès, et que c’est une chose fort contraire à l’humeur d’un tel personnage, il n’a pas manqué de le faire plaider : et comme les plus sages s’emportent ordinairement quand ils ont des procès, il a pu justement faire dire tout ce qu’il a voulu à un misanthrope qui doit, plus qu’un autre, faire voir sa mauvaise humeur, et contre ses juges, et contre sa partie. […] Les fausses prudes doivent connaître que leurs grimaces ne servent de rien ; et que quand elles seraient aussi sages qu’elles le veulent paraître, elles seront toujours blâmées, tant qu’elles voudront passer pour prudes. […] Les expressions en sont belles, Et vigoureuses et nouvelles, Le plaisant, et le sérieux, Y sont assaisonnés des mieux, Et ce Misanthrope est si sage, En frondant les mœurs de notre âge, Que l’on dirait (benoît lecteur) Qu’on entend un prédicateur. […] Sans cette adresse, Le Misanthrope devenait la victime de l’injustice, ou de l’ignorance ; le succès qu’il eut alors n’a fait aucun tort au Médecin malgré lui ; on distingua les genres, et la petite pièce se voit encore avec plaisir. » « [*] Le Médecin malgré lui soutint Le Misanthrope, c’est peut-être à la honte de la nature humaine, mais c’est ainsi qu’elle est faite ; on va plus à la comédie pour rire que pour être instruit ; Le Misanthrope était l’ouvrage d’un sage, qui écrivait pour les hommes éclairés, et il fallut que le sage se déguisât en farceur, pour plaire à la multitude. » Lettre en vers de Robinet du 15 août 1666.

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