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2. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE III. L’Honnête Homme. » pp. 42-64

Enfin, surtout, il a tort, et ses travers, jusqu’ici excusables, nobles, héroïques même143, deviennent une faute véritable quand, pour tous les ridicules, tous les vices qu’il voit autour de lui, il conçoit contre l’humanité cette haine violente qu’il ne cesse d’exprimer depuis la première scène jusqu’à la dernière : Tous les hommes me sont à tel point odieux Que je serois fâché d’être sage à leurs yeux. […] Avec cela vous l’avez fait amoureux, et amoureux d’une façon qu’il condamne lui-même147, pour nous montrer que le sage inébranlable rêvé par l’orgueil stoïcien148 ou par l’égoïsme épicurien149 n’existe point ; pour nous rappeler à l’humilité que doit entretenir en nous le sentiment de notre incurable faiblesse, et. pour avertir les plus fermes de leur fragilité-, comme, le. chant du coq- avertit Pierre150. Enfin vous. avez. su, en nous peignant ces infirmités du sage, et en nous faisant rire de ses travers, nous inspirer ; pour lui pour sa vertu,, un sentiment de respect que ne peut diminuer tout le rire excité par ses boutades ; et, à la fin de votre pièce, notre opinion sur lui reste celle qui était la vôtre, et que vous avez mise dans la bouche de la sincère Eliante : Dans. ses façons d’agir il est fort singulier ; Mais j’en fais, je l’avoue, un cas particulier ; Et la sincérité dont son âme se pique À quelque chose en soi.de noble et d’héroïque. […] c’est le défaut le plus enraciné dans le cœur même des plus sages. […] XXVI, v. 75. — « Mais le coup de maître est d’avoir fait-Alceste amoureux, d’avoir courbé cette âme indomptée sous le joug de la passion, et montré par là surtout que le plus sage ne peut être complètement sage,   Et que dans tons les cœurs il est toujours de l’homme.

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