Dans sa préface du Tartufe, il s’exprime avec cette plaisante naïveté : « Les marquis, les précieuses, les cocus et les médecins, ont souffert doucement qu’on les ait représentés, et ils ont fait semblant de se divertir avec tout le monde des peintures que l’on a faites d’eux ; mais les hypocrites n’ont point entendu raillerie, etc. » Molière, si prompt à se moquer des infortunes des époux, eut son tour, assure-t-on, et prit l’affaire fort au sérieux. […] Il avait pris au sérieux le vers de Boileau : Jamais surintendant ne trouva de cruelles ; mais Boileau n’avait pas prévu le cas où les surintendants seraient les rivaux des rois. […] Molière, dans son Don Garcie de Navarre, avait déjà tracé une peinture de la jalousie, mais de la jalousie sérieuse dont les emportements, malgré la cause insuffisante qui les fait naître, n’ont rien de comique ; il ne tarda pas à comprendre le côté ridicule de celte aveugle frénésie ; jaloux lui-même, il eut toujours quelque sympathie pour ce désordre de l’esprit, et, dans le rôle d’Arnolphe, personnage qui ne devait exciter que le rire, il trouva presque moyen d’attendrir. […] Molière, après avoir versé à pleines mains le ridicule sur ses antagonistes, arrive à une réponse plus sérieuse. […] La grâce de la belle veuve est la plus forte; il espère (elle n’a que vingt ans), il espère en mûrir la jeunesse étourdie aux leçons d’une tendresse sérieuse.