Je l’ai relu avec mes amis, je l’ai livré à l’impression ; mais je puis protester que je cede au desir d’aider mes jeunes rivaux dans leur travail, de leur épargner les peines que j’ai prises, & non à l’orgueil de faire voir que je connois les regles d’un art dans lequel je m’exerce. […] Mon ouvrage enfin peut être d’une grande utilité aux Auteurs naissants ; & mon ame s’enivre de plaisir en songeant que je pourrai soulager, aider dans leur travail, des rivaux d’autant plus intéressants pour moi, que je sais combien il faut de courage & de noblesse d’ame pour entrer dans une carriere que l’envie & la jalousie la plus basse assiegent, que l’ignorance tâche de dégrader, qui est semée de dégoûts, de tracasseries, & qui ne conduit jamais à la fortune. […] En effet, quelques-uns enivrent d’un encens fade les personnes de qui ils attendent quelque chose : d’autres semblent n’écrire que pour satisfaire de petites haines, ou pour rabaisser des rivaux. […] Le Prince des Philosophes eut des rivaux jaloux de son mérite, qui l’accuserent d’impiété : il craignit le sort de Socrate.