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135. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Dans son désespoir, Gillette s’adresse à sa rivale elle-même, à cette dernière descendante des Capulets, qui doit comprendre mieux que personne, pour peu qu’elle sache l’histoire de sa maison, les chagrins, les douleurs et les traverses de l’amour. […] En même temps, — avec beaucoup de tact et de finesse, les deux amis nous expliquent comment la délicatesse de l’amour français répugnait à cette convention funeste par laquelle Phœdia, l’amant de Thaïs, se tient éloigné, pour deux grands jours, de la présence de sa jeune maîtresse, laissant la place libre à son rival ; il explique aussi (c’est un étrange dénouement pour un public parisien) ce Phœdia, amant reconnu de Thaïs qui consent désormais à recevoir chez lui, comme ami de la maison, ce capitaine ridicule qui lui a déjà pris sa maîtresse pendant un jour. […] C’est alors que le Strepsiade ; — la torche à la main, fait une petite dispute de philosophie aux poutres et aux solives de la maison du philosophe. — En résumé, ceci est une comédie, tout comme les Provinciales, au dire de Racine lui-même, étaient une comédie ; disons mieux, c’est une comédie comme le Mémoire de Beaumarchais contre M. l’avocat-général Bergasse qui n’en est pas mort, non plus que Fréron n’est mort de l’Écossaise et des autres violences de Voltaire : la comédie grecque, en effet, c’est le pamphlet politique transporté sur le théâtre avec l’assaisonnement excellent d’une observation nette et vive, d’une peinture hardie et fidèle, d’une malice ingénieuse et piquante ; malheureusement, depuis qu’Aristophane a fait la joie de ce peuple, sans rivaux dans les arts du goût et de l’esprit, cet esprit s’est entouré d’obscurité, cette observation se perd dans le nuage ; le temps dégradé ce portrait fidèle du peuple athénien. […] Witikind, Witikind, vous le rival de Charlemagne, vous le fier et indompté Saxon que le baptême seul a pu dompter, quand la Germanie tout entière se soulevait à votre voix toute-puissante, quand le Rhin, l’Elbe et l’Oder coulaient sous vos lois, quand vous défendiez la patrie saxonne contre les Francs de Charlemagne, quand, en désespoir de cause, vous alliez chercher les Danois et les Normands pour revenir en aide à vos Saxons ; — ô terrible soldat ! […] Voilà une femme qui a logé Moncade sous son toit, des mois entiers, qui l’a disputé à ses rivales ; qui l’a défendu envers et contre tous, qui lui dit : — Adieu, perfide !

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