On ne peut reconnaître à ces traits et ranger dans cette catégorie une petite comédie, où la peinture des mœurs et des caractères est sans aucune exagération ; où le langage naïf, simple, et, si l’on veut même, populaire de quelques personnages, est toujours de bonne foi, et n’emprunte jamais, pour exciter le rire, les ressources de la caricature ou de la facétie. […] Les véritables précieuses ne furent pas dupes du détour ; elles se tinrent pour averties, et elles renoncèrent du mieux qu’il leur fut possible, au platonisme hypocrite et au jargon quintessencié qui venait de faire rire tout Paris à leurs dépens. […] C’était remonter à deux cents ans ; c’était oublier que les mœurs d’un siècle sont incompatibles avec celles d’un autre, et que, par un certain enchaînement de vertus et de vices, il y a un progrès nécessaire de lumières comme de mœurs, auquel il est impossible de résister. » Qui ne rirait un peu d’entendre un rhéteur de nos jours reprocher à Molière, où de n’avoir pas bien connu les mœurs, les opinions, les préjugés de son siècle, ou d’avoir violé une des premières règles de son art, en introduisant dans une peinture contemporaine un personnage d’une autre époque, c’est-à-dire en manquant au costume, en faisant ce qu’on pourrait appeler un anachronisme dramatique ? […] La comédie ne peut essayer de faire rire à leurs dépens, et elle est sans pouvoir pour les guérir, à moins qu’elle ne parvienne à les faire rire eux-mêmes. […] Le travers qu’il attaque est trop commun pour être bien frappant, et il est trop voisin d’une triste réalité pour qu’on ne doive pas craindre d’en rire.