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13. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Qu’arriverait-il, en effet, si les deux premiers éléments, au lieu d’être confondus, restaient distincts et séparés, si les acteurs de la comédie n’étaient purement et simplement que des sots, et si les Dieux se contentaient de sourire soit dans la conscience des spectateurs, soit dans un chœur comique ? […] De peur d’être entraîné dans la ruine de sa propre activité, il n’a garde de s’intéresser à ce qu’il fait ; son âme affranchie ne s’y absorbe point : il reste indépendant, voulant rester debout. […] La scène, comique sans le savoir, resta grave dans l’inconscience de sa propre sottise, et les spectateurs, seuls à rire, eurent l’air de dire aux personnages : Messieurs les acteurs de la comédie, nous sommes beaucoup plus sages que vous, et nous comprenons parfaitement que vous êtes des sots. […] Ne restez pas dans cette prosaïque contradiction du réel avec l’idéal ; sortez-en, comme Shakespeare, par la légende, ou comme les tragiques français, par le retour à l’antiquité héroïque, ou enfin par l’histoire, comme Goethe ; car, si vous y restez, il n’y a qu’un moyen de sauver la poésie, c’est de vous affranchir encore de cette contradiction, en vous moquant d’elle et de ceux qui en gémissent, et c’est ce que Cervantes a fait. […] Mais, pareillement aussi, il se manifeste dans les natures élevées, par cela même qu’elles ne sont pas liées sérieusement aux choses vulgaires où elles sont engagées qu’elles s’élèvent au-dessus, et qu’en face des mécomptes et des désagréments de la vie elles restent fermes et sûres d’elles-mêmes.

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