Je me fis à moi-même des reproches sur une délicatesse qui me semblait ridicule, et j’attribuai à son humeur ce qui était un effet de son peu de tendresse pour moi. […] Je ne sais si Orgon, avant que Tartuffe eût entrepris son âme, était quelque peu enclin à ce libertinage, dont il est ensuite si prompt à faire reproche aux autres ; j’ignore combien il fallut de temps au faux dévot, pour le réduire à l’état de soumission béate où nous le voyons dans la pièce ; mais je doute que la volte-face ait pu être aussi rapide et tout d’abord aussi complète que celle du prince de Conti manié par l’abbé Roquette. […] Ce reproche est bien de notre temps, qui a mis dans le petit journal et dans la caricature ce qui jadis appartenait à la publicité du théâtre ! […] Un des commentateurs de Molière a fort bien remarqué que, pour de pareils traits, il fallait qu’il imitât quelqu’un ; il ne les eût jamais trouvés dans son esprit, et moins encore dans sa conscience : « En cet endroit, dit-il, avec un sérieux qui prouve de quel ton sévère on jugeait alors la moralité des comédies, en cet endroit, Molière blesse les mœurs du théâtre ; mais, ajoute-t-il à sa louange, mais il faut remarquer que dans les sujets de comédie qu’il a tirés de son propre fonds, on trouvera peu de pareils reproches à lui faire. » Fort doux à l’apparence, l’Italien d’aujourd’hui, qui, en cela, ne diffère pas de ses ancêtres, aime volontiers l’amusement brutal, le rire plus que bruyant.