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134. (1892) Vie de J.-B. P. Molière : Histoire de son théâtre et de sa troupe pp. 2-405

Champfort lui-même, dans son éloge, avait dit avec un accent de reproche : « Il faut qu’un corps illustre attende cent années pour apprendre à l’Europe que nous ne sommes pas des barbares. » Et, en effet, l’Europe nous avait devancé dans l’admiration unanime du poète. […] Il lui reproche d’avoir été trop docile aux conseils de Boileau, de n’avoir pas su conserver le style de L’Étourdi, qu’il trouve supérieur au style du Misanthrope, et de n’avoir pas écrit un assez grand nombre de scènes comme celle du Pauvre dans Dom Juan. […] On a vu, par l’extrait que nous venons de donner des Mémoires de Mme Campan, que ce dernier reproche n’est pas mérité, qu’elle le nomme au contraire en toutes lettres : M. […] Il glisse assez légèrement toutefois sur le reproche qu’on a fait à certains endroits de sa pièce de choquer la religion : « Ces paroles d’enfer et de chaudières bouillantes sont assez justifiées, dit-il seulement, par l’extravagance d’Arnolphe et par l’innocence de celle à qui il parle. » Immoral et sans pudeur, Arnolphe cherche à exploiter la morale et la religion à son profit ; il y a là un trait essentiel de ce caractère profondément conçu. […] Mais son idée fixe, c’est toujours d’éveiller les ressentiments des courtisans ; il n’épargne rien pour atteindre ce but : il leur reproche de « se laisser traiter de valets sur le théâtre à la vue de tout le monde ».

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