C’est du reste ce qu’il a dit presque formellement, se souvenant du célèbre passage de Pascal sur les dangers du théâtre de Corneille : « II en est… qui disent que les comédies les plus honnêtes sont les plus dangereuses ; que les passions que l’on y dépeint sont d’autant plus touchantes qu’elles sont pleines de vertu et que les âmes sont attendries par ces sortes de représentations. […] Osons le dire sans détour : qui de nous est assez sûr de lui pour supporter la représentation d’une pareille comédie sans être de moitié des tours qui s’y jouent ? […] On sait que la scène a été prise à la première représentation comme scène d’impiété et qu’elle a dû être retranchée. Il est curieux de voir comme Voltaire en parle : « A la première représentation, il y avait une scène entre Don Juan et un pauvre. […] Tiens, voilà un louis d’or ; mais je te le donne par amour de l’humanité. » Il faudrait peut-être examiner pourquoi Voltaire, citant de mémoire, ne rapporte que la première partie de la scène et le dernier mot de la seconde, supprimant la tentation ; mais ne sachant trop qu’en penser et vous laissant à examiner ce point, je passe aux réflexions de Voltaire sur cette scène : « Cette scène, convenable au caractère de Don Juan, mais dont les esprits faibles pouvaient faire un mauvais usage, fut supprimée à la seconde représentation, et ce retranchement fut peut-être cause du peu de succès de la pièce. » 1° Voltaire n’envisage même pas l’hypothèse où l’héroïsme du pauvre, opposé à la méchanceté de Don Juan, mettrait le pauvre au-dessus de Don Juan dans l’esprit du spectateur ; il dit seulement : pour les esprits solides, c’est une scène où Don Juan dit ce qu’il est naturel qu’il dise et fait ce qu’il est naturel qu’il fasse ; pour les esprits faibles, la scène peut être démoralisante.