Ils haïssent seulement : La science et l’esprit qui gâtent les personnes, qui dessèchent le cœur d’Armande, lui font mépriser le mariage, prendre en horreur non pas absolument l’époux, mais les enfants et le ménage ; qui mettent un mauvais orgueil au cœur de Philaminte, l’entraînent à malmener son bon homme de mari, achèvent de rendre folle la pauvre Bélise comme ils ont rendu Cathos et Madelon ingrates et ridicules. […] On sait par quels moyens M. de la Souche, pour se garder des accidents auxquels tous les maris sont exposés, s’est efforcé de rendre sotte autant qu’il se pourrait la malheureuse qu’il destinait, dès l’enfance, à l’honneur de sa couche. […] Et ce respect de Molière (bien supérieur en cela à La Fontaine) pour la femme, qu’il croit naturellement bonne et généreuse, ne répond-il pas aux préoccupations du grand philosophe moderne qui jugeait de la valeur morale d’une société selon la place que la femme y tenait, l’estime et le respect dont elle y était entourée, croyant avec raison que seule la femme sera capable d’élever, de rendre meilleur et plus pur le cœur de l’homme ; que seule la compagne de celui qui lutte et qui pense, saura lui rappeler sans cesse qu’il doit être non seulement courageux et énergique, mais très bon, très généreux et très aimant. […] Il exigera de ses enfants l’obéissance, mais la leur rendra facile, car il s’abstiendra de disposer d’eux sans leur consentement. […] Depuis l’huissier Loyal qui a l’air si déloyal, jusqu’au Don Juan méchant que sa conversion rend encore plus odieux, jusqu’au redoutable Tartuffe, Molière combat les fourbes et leur oppose les gens de bien qui parlent franc et net : les Cléonte, qui ne se laissent point passer pour gentilshommes quand ils ne le sont pas ; les Clitandre, incapables de faire des courbettes devant des gens qu’ils méprisent ; Alceste surtout, ce grand Alceste, bourru, aimant et sincère, las des préjugés.et des mesquineries du monde auquel Molière donna son âme, un jour qu’il souffrait beaucoup.