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144. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XII. Réflexions Générales. » pp. 241-265

Ce sont là de ces erreurs du génie, qu’on se sent trop petit pour condamner, bien que la région moyenne où l’on se tient rende impossible à notre médiocre raison de les partager. […] La Bruyère, moraliste, lui rend plus de justice pour le fond, tout en disant qu’il lui a manqué « d’éviter le jargon et le barbarisme, et d’écrire purement. »D’ailleurs il se contente de s’exclamer en général sur cette « imitation des mœurs » et ce « fléau du ridicule813, » sans rien préciser sur la valeur et la portée morale des œuvres de Molière. […] Eh bien, comme après la chute d’une royauté l’impartiale histoire établit la comparaison des conquêtes et des revers, des progrès et des pas en arrière, et comme elle met dans la balance, d’un côté la richesse et le bonheur, de l’autre les misères et les larmes des peuples : de même, dans celte royauté morale de Molière, il faut avec respect, mais avec fermeté, peser le bien et le mal qu’elle a fait ; et puisqu’elle semble destinée à durer parmi nous sans éprouver jamais les révolutions qui secouent les trônes politiques, peut-être qu’une appréciation exacte de ce qu’elle vaut pourra en rendre pour l’avenir le joug plus profitable en ce qu’il a de bon, et moins dangereux dans ce qu’il a de mauvais. […] Immoler sous le rire tous leurs ridicules, toutes leurs passions honteuses, et leur montrer en riant ce que sont la vraie distinction et la vraie noblesse, c’est travailler sans aucun doute à les rendre meilleurs. Leur rendre odieux le mensonge et l’hypocrisie, et les accoutumer à ne s’estimer qu’à proportion du bien qu’ils pratiquent, c’est évidemment développer en eux le sens du véritable honneur.

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