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151. (1852) Légendes françaises : Molière pp. 6-180

Il disait que rien ne lui donne du déplaisir comme d’être accusé de regarder quelqu’un dans les portraits qu’il fait que tous les personnages qu’il représente sont des personnages en l’air et des fantômes proprement qu’il habille à sa fantaisie, etc. […] Et pour donner toute son âme, Regarde-t-on quels droits on a de nous charmer ? […] N’imaginons pas davantage que son intention ait été de faire de ses pièces, à proprement parler, des mémoires; il ne voulait que faire des comédies ; mais qui dit comédie, dit vérité, et pour les rendre plus vraies, il puisait dans sa vie, dans celle de ses amis, chez tout le monde : Lagrange, là-dessus, ne nous laisse aucun doute: « Molière, dit-il, observait les manières et les mœurs de tout le monde, et il trouvait ensuite le moyen d’en faire des applications admirables dans ses comédies, où l’on peut dire qu’il a joué tout le monde, puisqu’il s’y est joué le premier, en plusieurs endroits, sur les affaires de sa famille, et qui regardaient ce qui se passait dans son domestique ; c’est ce que ses plus particuliers amis ont remarqué bien des fois. »Ainsi, même pour Alceste, il ne lui avait pas suffi de sa passion, de ses chagrins, de sa propre maison, il avait pris jusque chez Boileau. […] Les applaudissements, qui les enveloppèrent ensemble dans un même triomphe, les firent se regarder l’un l’autre avec émotion... […] Contentez-vous de composer, et laissez l’action théâtrale à quelqu’un de vos camarades : cela vous fera plus d’honneur dans le public, qui regardera vos acteurs comme vos gagistes; vos acteurs, d’ailleurs, qui ne sont pas des plus souples avec vous, sentiront mieux votre supériorité.

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