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132. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

Notice historique et littéraire sur Le Tartuffe Le Tartuffe n’est pas seulement un chef-d’œuvre, le chef-d’œuvre peut-être de la scène comique : ce fut aussi un événement mémorable qui agita et divisa l’opinion ; où prirent parti les différentes puissances qui dominent la société ; où l’activité persévérante et courageuse d’un homme eut à lutter, pendant plusieurs années, contre des obstacles, que lui opposaient la magistrature et le sacerdoce ; où le monarque le plus absolu fut longtemps indécis entre les plaintes d’un poète et les alarmes de la religion, entre les penchants de son esprit et les scrupules de sa conscience, et dont enfin l’issue, favorable au théâtre, a eu sur la morale publique une influence qu’on peut qualifier diversement, mais que tout le monde est forcé de reconnaître. […] Si ces attaques n’avaient été dirigées contre lui que par de faux dévots, l’histoire en serait bientôt faite : on n’y verrait que de simples représailles, et l’on concevrait sans peine comment un poète, qui avait annoncé et effectué le projet de démasquer toute une classe d’hommes non moins nombreuse que puissante, dut se trouver exposé aux plus violents effets de leur ressentiment : mais la question n’est pas si simple ; et, à moins qu’on ne veuille confondre dans une même catégorie les vrais et les faux dévots que Molière lui-même a si bien eu le soin de distinguer, on doit être forcé de reconnaître que des hommes sincèrement pieux furent alarmés de sa comédie au premier bruit qui s’en répandit, et s’empressèrent de la combattre dès qu’elle eut paru. […] Dans tous ces petits détails d’histoire littéraire, Voltaire est, en général, d’une grande inexactitude ; et ici même il en donne la preuve, en qualifiant de prologue de La Critique du Tartuffe, une simple épître en vers adressée à l’auteur de cette satire ; l’épître, sans être bonne, est moins méprisable que la Critique ; et l’on serait tenté d’y reconnaître la main qui rima le fameux sonnet contre la Phèdre de Racine.

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