Le premier, fin, adroit, veut s’insinuer dans le cœur de l’autre, & s’en emparer : le second s’apperçoit de son dessein ; il a le plus grand intérêt à le démasquer : est-il naturel que leur conversation soit coupée, qu’ils s’interrompent mutuellement par des questions & des répliques précipitées ? […] Un Auteur comique a besoin d’un art infini, d’une connoissance très profonde du théâtre & du cœur humain, pour savoir distinguer les situations qui veulent qu’un interlocuteur réponde prestement aux questions qu’on lui fait, ou à celles qui exigent au contraire que l’interlocuteur hésite, & fasse long-temps attendre une réponse positive. […] Tout au contraire, quand, dans le Philosophe marié, Géronte arrive, qu’il voit son neveu occupé à égayer sa philosophie sur la joue de Céliante & de Mélite, & qu’il lui demande qui sont ces créatures, il n’est pas naturel qu’Ariste fasse une réponse claire, positive & breve à son oncle : le plaisant de la scene consiste au contraire à voir les efforts que fait le neveu pour éluder la fâcheuse question de l’oncle. […] Je pourrois citer ici nombre d’exemples qui trouveront mieux leur place dans l’article où il sera question du juste embonpoint des pieces, des scenes, du dialogue.