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22. (1855) Pourquoi Molière n’a pas joué les avocats pp. 5-15

Ils l’ont saisi d’abord et avant qu’il ait eu le loisir de les trouver mauvais; il les a loués modestement en ma présence, et il ne les a pas loués depuis devant personne : je l’excuse et je n’en demande pas davantage à un auteur; je le plains même d’avoir écouté de belles choses qu’il n’a point faites ‌ 7 . » Et, de vrai, cela se comprend dans une carrière où l’imagination est continuellement surexcitée, où il faut créer sans cesse et avec le plus d’esprit possible, où il est nécessaire de plaire à un public. […] L’avocat n’a pas à créer; il prend les faits dans son dossier; il les explique non pas, avec son imagination, mais avec sa raison et son expérience des affaires ; et quant au public, ignore-t-on que les portes de l’audience ne sont pas ouvertes pour que des esprits oisifs ou blasés viennent chercher le plaisir dans le scandale, l’intérêt dans l’aspect d’un malheureux ? Non ; le public aussi joue son rôle dans l’administration de la justice, qui ne saurait être ténébreusement rendue, et qui veut que chacun puisse écouter ses arrêts. Mais le public n’existe pas pour l’avocat ; il n’a devant lui qu’un adversaire et des juges : combattre l’un, convaincre les autres, voilà sa tâche; et ceux qui, au fond de l’audience, viendraient l’entendre comme orateur, ne seront jamais un public, car ils n’ont le droit ni d’applaudir ni d’improuver.

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