C’est la meilleure de celles qu’a aimées Molière ; c’est le refuge de ses péchés et de ses peines ; si douce et si paisible, qu’à son âge, elle joue Agnès au naturel et qu’à soixante ans, quand elle voudra cesser de le jouer, le public refusera d’y entendre la du Croisy et ira lui-même, à grands cris, chercher la de Brie pour lui rendre la vraie Agnès. […] Il cherche dans sa tête, si absorbé, qu’il ne voit ni n’entend le notaire, et qu’il s’en suit une longue scène de coq-à-l’âne, dont le public se réjouit, et qui met le sceau au succès. […] Dans la presse des marquis debout et gesticulant, le voici, en effet, qui fait sa révérence au public : il est pâle sous son fard ; il y a du tremblement dans sa voix, tout à l’heure si ferme et si chaude : c’est l’homme cette fois qui vient à nous. […] Il avait conquis son public, il faisait de l’argent, il venait d’épouser la femme qu’il aimait, elle allait le rendre père, le roi le protégeait, lui livrait sa cour, il avait pour lui le champ… et le soleil. […] Sans doute il réfléchit, car on ne voit pas qu’il ait jamais terrifié Agnès ni le public de ces chaudières bouillantes dont Arnolphe la menace et qui sont si éminemment tragiques en effet.