Je n’ai jamais relu Le Roman comique de Scarron, sans une émotion profonde, quand j’y retrouvais la jeunesse de Molière. […] On ne triomphe d’une femme ni par la colère ni par la raillerie, ni par les larmes, l’amour seul a raison de l’amour ; pouvait-il imposer une passion profonde à cette femme enivrée de sa beauté, à cette grande coquette qui avait une cour même à la cour, lui qui ne retrouvait que la jeunesse du cœur, l’éternelle jeunesse du génie, lui qui ne présentait plus à cette gourmande d’illusions que les soucis du travail, les pâleurs des nuits agitées, les rides de la cinquantième année. […] Cette passion, dont le platonisme, plus ou moins volontaire de sa part, ne saurait être mis en doute, eut un double effet : elle arracha le poète à sa retraite, à son existence de province, pour le lancer sans espoir de retour dans la lutte dramatique ; elle communiqua, de plus, à sa veine tragique un accent nouveau, particulier, qui prouve quelles traces profondes cet amour avait laissées dans son âme. […] Qui veut seul s’opposer à l’entraînement universel n’a, selon moi, pour ressource que de suivre l’exemple du célèbre Misanthrope, et d’aller jouir dans quelque solitude profonde de sa tant belle sagesse. » N’est-ce pas que ce Misanthrope c’est celui de Molière ?