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47. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Le premier de ces Don Juan parut aux premiers jours de la révolution de juillet, à l’aurore, aux premières espérances d’un règne heureux, et déjà l’on peut voir, dans ces pages, une profonde sécurité de toutes choses ! […] Il est donc facile d’expliquer cette tristesse profonde, immense, irrésistible d’une comédie que Molière avait faite tout exprès pour amuser les folles joies du carnaval ! […] Orgon, à la profonde misère de George Dandin… le parterre reste sérieux et pensif à la verve étincelante et railleuse de Don Juan. Cet homme étonne et il afflige : il n’a pas d’excuse et il n’a pas d’espérance ; son châtiment même a quelque chose de si incroyable, qu’on ne le trouve pas assez châtié ; un peu de mépris pour cette belle Célimène, l’horreur profonde pour Tartuffe, le profond dégoût que nous inspirent M. et madame de Sotenville et leur digne fille, voilà des êtres plus sévèrement châtiés et plus complètement punis que Don Juan lui-même dans ces flammes qui viennent de l’enfer. […] Nous errons toujours dans cette campagne de Sicile, non plus sur le bord de la mer bruyante, mais dans la forêt profonde, car en ce moment Don Juan se cache pour éviter des hommes qui le cherchent ; Sganarelle, sous la robe d’un médecin, s’abandonne à ses lazzis ; sur le devant du théâtre s’élève une tombe. — Si tout ce détail est triste, le dialogue n’a rien de trop réjouissant.

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