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74. (1825) Notice sur Molière — Histoire de la troupe de Molière (Œuvres complètes, tome I) pp. 1-

Cette comédie était composée depuis longtemps : deux fois l’auteur avait voulu la produire devant le parterre ; deux fois les bigots s’étaient ameutés en fureur, et, par leurs cris, leurs menaces et leurs intrigues, avaient forcé les comédiens à la retirer ; le président Lamoignon lui-même, trompé sur les intentions de l’auteur, prêta l’appui de son autorité à ces cabales remuantes. […] On y trouvera un homme simple, affable, prêt à tendre la main à l’infortune, et à frayer la route au talent : le voilà qui essaie, sur l’esprit de sa servante Laforêt, non la puissance comique du Misanthrope, mais l’impression que doivent produire ses ouvrages d’un ordre moins grave ; il juge qu’il a saisi ce que la nature a de plus saillant, s’il parvient à émouvoir des organes incultes, des intelligences sans préventions ; aussi veut-il que ses acteurs amènent toujours leurs enfants aux répétitions. […] « J’ai lu, disait-il, toutes les histoires anciennes et modernes ; la nature, prodigue, a produit dans tous les temps une foule de héros et de grands hommes dans chaque genre ; elle semble n’avoir été avare que de grands comédiens ; je ne trouve que Roscius et moi. »Cette haute opinion que Baron avait de son mérite fut sur le point de lui faire refuser la pension que Louis XIV lui avait donnée, parce que l’ordonnance portait : « Payez au nommé Michel Boiron dit Baron. » Comblé de gloire et des bienfaits de Louis XIV, il joua pour la dernière fois, le 22 octobre 1691, le rôle de Ladislas dans Venceslas. […] Si l’on s’en rapporte à l’extrait baptistaire produit après sa mort par sa famille, Baron naquit à Paris au mois d’octobre en 1653 : en se tenant à cette date, il n’aurait eu que soixante-seize ans et deux mois quand il mourut ; mais on s’accordait généralement à lui donner six ans de plus.

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