/ 125
69. (1802) Études sur Molière pp. -355

Delmire écrit à la duchesse de Tyrol, le prince arrive à petits pas, et lit : ma chère âme ; en voilà assez pour réveiller sa jalousie. […] L’héroïne française écrit à dom Garcie qu’il obtiendra sa main, s’il se corrige de sa jalousie ; mais, peu satisfaite de son billet, elle le déchire, et c’est la moitié de ce billet qui alarme le prince ; rien dans tout cela qui ne soit naturel ; rien, au contraire, dans la manière d’amener la lettre italienne, qui ne soit forcé, et qui ne blesse toutes les convenances. […] Raimond, maître de physique du prince de Portugal, est piqué de son indifférence pour les dames de Padoue ; ce Raimond avait une très belle femme, il lui ordonna de se parer et d’aller entendre la messe dans une église où son élève allait ordinairement ; le prince en devient amoureux, a l’art de s’introduire chez la dame, pousse l’aventure très loin, et va faire confidence de son bonheur au mari ; celui-ci veut surprendre les amants avant de se fâcher, mais la femme fait cacher le prince, tantôt sous le lit, tantôt dans une armoire, et le mari, toujours averti du tour qu’on vient de lui jouer, fait mettre le feu à sa maison ; il ordonne de ne ménager qu’un seul coffre renfermant des papiers de famille, et c’est précisément dans ce coffre que les amants échappent à l’incendie. […] Qu’on juge de l’empressement avec lequel Molière dut obéir aux ordres de son bienfaiteur, lorsque, peu de temps après, ce prince voulut donner à la cour un nouveau divertissement ! […] Pour cette fois, aucun ordre n’avait forcé Molière à gâter son ouvrage ; mais les conquêtes de Louis XIV en Hollande animant tous les poètes, Molière voulut offrir un grain d’encens à son protecteur ; il eût bien mieux contribué à la gloire de son prince et de son siècle, en consacrant à quelques pièces de plus le temps qu’il perdait à faire des madrigaux lyriques et louangeurs.

/ 125