/ 329
193. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VII. De l’Amour. » pp. 121-144

Ici triomphe le bon sens de Molière, et ses peintures, par leur juste rapport avec la réalité, prennent un caractère particulièrement utile et moral. Oui, la source de l’amour est belle, pure, sublime : mais l’amoureux est homme ; et, pour aimer, il n’en est pas moins aux prises avec toutes sortes de misères : il est jeune, il est jaloux, il est fou, il est sans courage et sans conduite, il est susceptible et déraisonnable, il manque de dignité, même d’honneur. […] C’est que nous sommes ainsi faits ; l’amour le plus pur prend les confidents les plus méprisables451 ; le cœur le plus respectueux pour sa maîtresse manque de respect à son père452 ; l’âme la plus ferme, la plus sage, se désespère d’une chimère ou d’un doute453 : pauvres amoureux, comme les voilà pour rien inquiets, jaloux, brouillés, perdus ! […] Molière a dit celle vérité au milieu d’une société où le raffinement de l’esprit faisait, dans les meilleurs salons, prendre à la coquetterie la place et le nom de l’amour, et où il n’y avait point de femme à la mode qui ne voulût régner dans un petit royaume de Tendre. […] qu’il est bien peu vrai que ce qu’on doit aimer   Aussitôt qu’on le voit prend droit de nous charmer,   Et qu’un premier coup d’oeil allume en nous les flammes   Où le ciel en naissant a destiné nos âmes !

/ 329