Quand nous parlerons de cette comédie à la date de sa première représentation dans la capitale, nous verrons que, quelle qu’ait été l’époque de sa composition, elle ne peut s’appliquer le moins du monde à l’hôtel de Rambouillet. […] La jeune noblesse se fit particulièrement un point d’honneur de porter ses premières armes en Piémont sous le lieutenant général du royaume, Brissac, grand et illustre capitaine, qui affectait dans son gouvernement Fa magnificence d’un souverain. […] Mais ce qui n’admet point de réplique, c’est ce fait, attesté par Ménage, que madame de Rambouillet voulut réchauffer et réjouir sa souffrante vieillesse du spectacle des Précieuses, à leur première représentation, bien assurée sans doute de rire un moment à leurs dépens, et qu’il ne viendrait dans l’idée de personne de rire aux siens ; et en effet, elle et ses vieux amis y applaudirent de tout leur cœur52. […] C’est certainement bien elle qu’il désigne dans la quatrième scène des Précieuses, lorsqu’il met dans la bouche de Madelon des plaintes contre l’incongruité de demander tout crûment une personne en mariage ; lorsqu’il lui fait dire que le mariage ne doit jamais arriver qu’après les autres aventures, et après que l’amant a parcouru la carte du tendre, suivant l’exemple de Cyrus et de Mandane, d’Aronce et de Clélie, héros des deux premiers romans que mademoiselle de Scudéry publia sous son nom après la dispersion de l’hôtel de Rambouillet. […] N’y aurait-il pas eu effet de l’absurdité à choisir deux provinciales, pour attirer la risée sur deux femmes de la cour ; deux bourgeoises pour représenter le ridicule de femmes de haute naissance ; deux vieilles folles de petite condition, dont la vanité est de se faire une cour d’hommes de qualité, pour ridiculiser des femmes du premier rang, dont les hommes de la plus haute condition sont la société nécessaire, habituelle, sont les amis la famille ?