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15. (1852) Molière — La Fontaine (Histoire de la littérature française, livre V, chap. I) pp. 333-352

Alceste a le tort de se croire parfait et infaillible, d’exagérer sa propre valeur morale, de ramener tout à soi et de ne voir que faiblesse et perversité dans tout ce qui s’oppose au despotisme de sa volonté ou s’écarte du modèle intérieur dont il prétend faire une règle générale. Philinte n’est pas davantage, dans la pensée de Molière, un modèle de vertu, comme d’autres l’ont prétendu par une erreur opposée, mais un type de sociabilité et de savoir-vivre dans le monde, où les rapports ne sont faciles que par de perpétuelles transactions. […] Qu’on ne croie point, par exemple, que Le Bourgeois gentilhomme soit une protestation contre l’anoblissement de la roture, contre la marche ascendante du tiers état, ni contre l’aristocratie elle-même ; en traduisant sur la scène un bourgeois ridicule et un marquis dépravé, il signale un double abus : l’avilissement des titres dans ceux qui les portent ; le ridicule d’y prétendre quand on n’y est pas né. […] Qu’on ne s’imagine pas non plus que Molière prétende, comme le bonhomme Chrysale, réduire le savoir des femmes À connaître un pourpoint d’avec un haut-de-chausse ; seulement il ne veut pas qu’elles poussent l’amour du grec jusqu’à embrasser des pédants, et surtout à leur donner leurs filles en mariage. […] La Fontaine ne prétend pas, comme Pellisson, que Fouquet soit innocent et qu’il ait mis du sien dans le gaspillage de la fortune publique ; il gémit, il excuse, il supplie.

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