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127. (1882) L’Arnolphe de Molière pp. 1-98

J’ai peine à croire, je l’avoue, que les grands hommes soient si peu dans le secret de leur génie qu’on le prétend de nos jours ; et il me semble que si je pouvais interroger Molière lui-même sur son œuvre, il m’en dirait des choses au moins aussi sensées que celles qu’en ont pu dire Messieurs tel ou tel, dont les noms figurent, en petits caractères, au bas de chaque page de ses œuvres dans les éditions Variorum. […] Nous voici au théâtre ; on entre ; il y a quelque poussée ; comme d’habitude, les mousquetaires font tapage ; ils prétendent, étant de la maison du roi, entrer sans payer ; cas de querelle, et de temps en temps l’on tue à Molière un portier ; aussi Saint-Germain et Gillot ont-ils l’épée. […] On prétend qu’un jeune homme est ici venu, que vous avez écouté ses harangues ; j’ai gagé que c’était une fausseté pure… — Oh ! […] cette idée étrange, émise par un ennemi de Molière dans un des plus sots pamphlets dialogues qu’ait fait éclore l’École des Femmes, cette idée a été reprise plus tard par des gens qui se disent ses admirateurs ; et tandis que le sieur Robinet en prenait texte pour reprocher à Molière de ne pas savoir son métier, ces amis de Molière en prétendent, au contraire, tirer parti pour le faire admirer davantage. — D’après eux, le comble du génie, pour un poète comique, c’est de faire pleurer ; pour un auteur tragique, c’est probablement de faire rire.

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