Cependant aucun d’eux à vos yeux ne se montre Qu’on ne vous voie en hâte aller à sa rencontre, Lui présenter la main, et, d’un baiser flatteur, Appuyer le serment d’être son serviteur ; quelqu’un alors s’avise-t-il de rire? […] Molière pensait que la comédie doit peindre l’homme; il a cru que si jamais elle pouvait nous présenter un tableau instructif, c’était en nous montrant combien le sage même peut avoir de faiblesse dans l’âme, de défauts dans l’humeur et de travers dans l’esprit; enfin, pour me servir des expressions mêmes du Misanthrope. […] Si, d’un côté, Philaminte, Armande et Bélise sont entichées du pédantisme que l’hôtel de Rambouillet avait introduit dans la littérature et du platonisme de l’amour, qu’on avait aussi essayé de mettre à la mode, de l’autre se présentent des contrastes multipliés sous différentes formes : la jeune Henriette, qui n’a que de l’esprit naturel et de la sensibilité, et qui répond si à propos à Trissotin qui veut l’embarrasser : Monsieur, excusez-moi, je ne sais pas le grec : la bonne Martine, cette grosse servante, la seule de tous les domestiques que la maladie de l’esprit n’ait pas gagnée; Clitandre, homme de bonne compagnie, homme de sens et d’esprit, qui doit haïr les pédants, et qui sait s’en moquer; enfin, et par-dessus tout, cet excellent Chrysale, ce personnage tout comique et de caractère et de langage, qui a toujours raison, mais qui n’a jamais une volonté ; qui parle d’or quand il retrace tous les ridicules de sa femme, mais qui n’ose en parler qu’en les appliquant à sa sœur, qui, après avoir mis la main de sa fille Henriette dans celle de Clitandre, et juré de soutenir son choix, un moment après trouve tout simple de donner cette même Henriette à Trissotin, et sa sœur Armande à l’amant d’Henriette, et qui appelle cela un accommodement.