Sans doute, il blâme les mœurs de don Juan ; mais pourtant il le présente séduisant, héroïque, et ne lui donne pour contradicteur qu’un valet absolument ridicule223. […] Tout cela est si gaiement présenté, qu’il est bien difficile de ne pas oublier toute la morale outragée pour applaudir au succès de la ruse, et quoiqu’il ne s’agisse que de crimes imaginaires, le rire devient une complicité réelle. […] On peut mettre en avant l’excuse que, tout en nous réjouissant par le triomphe des fourbes et des coquins, Molière nous les présente spirituels, mais coquins ; risibles, mais coquins ; bienveillants, dévoués même à leurs heures, mais toujours coquins ; en sorte qu’on ne sort guère de ce spectacle avec une grande estime pour eux, ni un grand désir d’avoir un valet comme Mascarille, Sbrigani ou Scapin. […] Dans l’Avare, il y a une invraisemblance qui est une faute ; c’est que Valère, présenté à la fin sous les plus nobles couleurs264, et montré dès le début comme plein des plus nobles sentiments265, puisse allier cette hauteur d’âme avec le misérable rôle auquel il s’est soumis par choix : entrer par un mensonge dans une maison, et, contre son propre cœur, y maltraiter volontairement, malgré toute raison, de pauvres domestiques qui n’en peuvent mais266, c’est incompatible avec tant de constance, d’esprit et de cœur.