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123. (1747) Notices des pièces de Molière (1670-1673) [Histoire du théâtre français, tome XI] pp. -284

Le genre comique et moral, dont Molière était l’inventeur, et qu’il avait porté à sa plus grande perfection, fut peu suivi par les auteurs qui travaillèrent pour la scène comique après la mort de ce grand homme. […]       De Monsieur, un valet de chambre, Ce grand vendeur de musc et d’ambre, À savoir le sieur Martial, Se voulant montrer jovial, Fit par pure réjouissance, Un festin de rare importance, À douze de ses compagnons ; Illec, on ne vit point d’oignons, Mais des muscades, des eaux d’anges, Des orangers chargés d’oranges, Et de très excellents ragoûts, Qui flairaient mieux que des égouts : Mais la fine galanterie, Que j’eusse cent fois plus chérie, Que les plats les mieux apprêtés, Qu’on y voyait de tous côtés Fut, que douze charmantes filles, Jeunes, riantes et gentilles, Ayant toutes beaucoup d’appas, Vers le déclin dudit repas, D’une façon fort agréable, Servirent le dessert sur table ; Anis, sucres, pommes, biscuit, Bref, chacune porta son fruit ; Après, laquelle gaillardise, Une musique assez exquise, De deux, ou trois, ou quatre chœurs, Ravit les âmes et les cœurs ; Ensuite, on but à tasse pleine, La santé du roi, de la reine*, Et de Monsieur, aussi d’Anjou, De la Cour le charmant bijou. […] Ce sont choses cependant que Molière désavouait, mais le Trissotin de cette même comédie est l’abbé Cotin, jusque-là que Molière fit acheter un de ses habits pour le faire porter à celui qui faisait ce personnage dans la pièce. […] Après la représentation, le roi, qui n’avait point encore porté son jugement, eut la bonté de dire à Molière : je ne vous ai point parlé de votre pièce à la première représentation, parce que j’ai appréhendé d’être séduit par la manière dont elle avait été représentée : mais en vérité, Molière, vous n’avez encore rien fait qui m’ait plus diverti, et votre pièce est excellente.

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