Négligeons le second point du sermon de Bourdaloue, qui porte sur les dévotions lâches, et passons au troisième, où Bourdaloue se porte de la défensive à l’offensive, et renvoie le reproche d’hypocrisie des jésuites, auxquels il s’adressait d’abord, aux jansénistes d’où le coup était parti, avant Molière, par la main de Pascal. […] Excepté cette générosité de sang qui le porte à la défense d’un homme succombant sous le nombre et qui est bien le trait d’un gentilhomme, nulle part ailleurs Molière ne lui a prêté un sentiment qui puisse faire illusion et qui nous le fasse aimer ; c’est une âme glacée qui n’a rien d’humain ; et si peu croyants que nous soyons, si peu d’effroi que nous inspire la foudre qui termine la pièce, je ne pense pas cependant qu’il y ait un seul spectateur qui regrette de le voir puni et son insolence humiliée. […] Cette critique porte encore à faux ; et elle méconnaît une des conceptions les plus originales et les plus ingénieuses de Molière. […] Tout porte à supposer que, tout entier à l’administration de son théâtre et à la composition de ses pièces, il mit peu de temps de reste pour se livrer à la philosophie, qu’il n’en prenait que ce qui était conforme au bon sens ; qu’il ne s’occupait pas non plus beaucoup de religion, mais que l’impiété insolente, jointe aux mauvaises mœurs (ce qui était fréquemment le cas), lui était désagréable ; que la dévotion outrée, affectant l’horreur du théâtre, devait facilement se tourner pour lui en cagotisme et en hypocrisie ; qu’en un mot, sur toutes ces questions, il était placé au point de vue mondain et latitudinaire, sans aucune hostilité systématique et en tout cas sans dépasser le déisme14.