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89. (1881) Molière et le Misanthrope pp. 1-83

Dans notre admiration pour le poète et pour son héros, en effet, nous avons été jusqu’à identifier la créature et le créateur. […] Molière eût, bien ri de ces révélations de poètes, alléchant le public avec les soi-disant blessures de leur cœur, et s’en consolant en mauvais lieu. […] On ne dit pas à un poète, ne fût-il qu’homme du monde, — je veux dire ne fût-il poète que par accident, par manière, — « Monsieur, votre sonnet est bon à mettre au cabinet. » On m’objecte que le cabinet qu’entend là Molière, est le petit meuble à tiroirs qui porte encore ce nom et qu’Alceste veut simplement inviter son homme à y serrer précieusement son ouvrage. […] Si j’accueillais de cette manière les poètes qui me font l’honneur de me consulter sur leurs ouvrages, je me considérerais comme un grand malotru. […] Je reprends sans aigreur, je ne tranche pas de l’infaillible ; je puis dire que des vers sont mauvais, je n’ajoute pas qu’un homme est pendable après les avoir faits ; l’estomac des poètes est délicat, je leur sucre la médecine.

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