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11. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE V. L’Éducation des Femmes. » pp. 83-102

Il fit voir une vieille fille devenue folle au bruit étourdissant des madrigaux, du beau langage, des tourbillons et de l’amour platonique304 ; une belle et jeune fille pleine d’espérance, rendue sèche, orgueilleuse, incapable d’amour et de famille305 ; une gracieuse et spirituelle enfant près d’être immolée à l’engouement de sa mère pour un pédant aussi sot qu’intéressé306 ; une brave servante, humble providence de la maison, chassée comme une voleuse À cause qu’elle manque à parler Vaugelas307 ; enfin un père réduit dans sa maison au rôle d’ombre, condamné au silence par son amour de la paix, méprisé par ce trio de précieuses savantes, qu’indigne son peu d’esprit, et forcé enfin de protester contre la science et les lettres par cette immortelle boutade qui est dans la mémoire de tous308 : la guenille de Chrysale, rappelant sur la terre ces folles envolées vers les régions imaginaires du bel esprit, est un mot impérissable comme le pauvre homme de Tartuffe et la galère de Scapin 309. […] Molière met sous vos yeux, en exemple, la femme douce, sage, instruite, spirituelle et modeste ; il vous montre Henriette, pleine de bon sens, de timidité, de grâce, de fines reparties ; sa droiture d’esprit lui suffit pour être inaccessible aux fades compliments d’un diseur de douceurs qui n’en veut qu’à sa dot316 ; pour répondre à un gros pédant ce mot plein d’esprit français et de grâce féminine : Excusez-moi, monsieur, je n’entends pas le grec317 ; pour déclarer nettement à l’homme qui veut l’épouser malgré elle, qu’elle ne se sent point la force de supporter les charges et les périls du mariage sans le soutien de l’amour318. […] Pour sortir, elle franchira les limites de la bienséance, de la prudence, du devoir, et se jettera de plein cœur dans les bras du premier qui s’offrira avec un air séduisant et une apparence d’honneur329.

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