Paul Mesnard, nous signalerons celui-ci : c’est l’antériorité du Tartuffe sur Don Juan malgré toutes les éditions, qui, ne tenant compte que des représentations publiquement permises, placent celui-ci avant celui-là. […] En voulant faire face à la fois et aux libertins, dont Molière était le soi-disant interprète, et aux jansénistes, qui étaient placés à un point de vue tout opposé et qui étaient aussi ennemis de Molière que les jésuites eux-mêmes, Bourdaloue risquait d’affaiblir l’effet cherché. […] Au reste, nous ne nous sommes placés jusqu’ici qu’au point de vue du droit strict, tel que l’exige la morale. […] Tout porte à supposer que, tout entier à l’administration de son théâtre et à la composition de ses pièces, il mit peu de temps de reste pour se livrer à la philosophie, qu’il n’en prenait que ce qui était conforme au bon sens ; qu’il ne s’occupait pas non plus beaucoup de religion, mais que l’impiété insolente, jointe aux mauvaises mœurs (ce qui était fréquemment le cas), lui était désagréable ; que la dévotion outrée, affectant l’horreur du théâtre, devait facilement se tourner pour lui en cagotisme et en hypocrisie ; qu’en un mot, sur toutes ces questions, il était placé au point de vue mondain et latitudinaire, sans aucune hostilité systématique et en tout cas sans dépasser le déisme14. […] La voici : c’est que la vertu et l’honneur doivent se tenir à distance du monde sans le fuir, qu’un cœur haut et bien placé ne doit pas disputer aux petits marquis la faveur des belles, qu’il ne doit pas se mêler aux caquets frivoles des ruelles et des salons ; que si les obligations sociales vous forcent à cultiver le monde, vous devez supporter ses travers sinon avec complaisance et connivence, au moins avec dignité, et ne pas vous mêler de lui pour qu’il ne se mêle pas de vous ; que si la sagesse fière et délicate veut se jouer au monde, elle y perd toujours quelque chose de sa dignité, et que, si elle veut le réformer, elle fait rire d’elle.