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4. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Choix du lieu de la Scene. » pp. 76-93

Nous trouvons fort indécent, & très peu vraisemblable, que de grands personnages, comme Jupiter, Alcmene, Amphitrion, fassent, au milieu d’une rue, des scenes de dépit, des scenes tendres, des scenes emportées ; d’un autre côté, nous disons que si Amphitrion & Sosie pouvoient entrer dans la maison, nous n’aurions plus de situations comiques, ni de piece ; & d’après cette réflexion, nous concluons que Moliere a été forcé de placer la scene devant le palais d’Amphitrion. […] Que Moliere, au lieu de placer la scene à Thebes devant le Palais d’Amphitrion, l’eût mise à Thebes dans le péristile du Palais d’Amphitrion, tout étoit réparé ; la décence & la vraisemblance étoient conservées, sans rien diminuer du comique, puisque le plaisant ne consiste pas à voir refuser à Amphitrion & à Sosie une premiere porte, qui, chez les Grands, n’est jamais exactement gardée ; mais à voir interdire à l’un l’appartement de sa femme, tandis qu’il la sait en bonne compagnie ; & à l’autre la cuisine ou l’office, dans un temps où il meurt de faim. […] Les Auteurs ont encore une ressource qu’ils négligent depuis quelque tems ; c’est celle de placer la scene dans les provinces. […] D’ailleurs il seroit fort joli, vraiment, que, dans les quatre parties du monde, où leur ouvrage parviendra sans contredit, on vît que l’Auteur a placé la scene à Toulouse, à Bourdeaux, à Marseille ; les Américains ne sauroient pas qu’il fait l’ornement des cercles brillants de Paris, & croiroient qu’il végete encore dans la province : plutôt que de courir ce risque, il vaut bien mieux abandonner la nature.

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