Molière est certainement le premier des philosophes moralistes. […] Avec tout le respect que j’ai pour Horace, en quoi donc Homère est-il si philosophe? […] Emprunter à la morale une des plus grandes leçons qu’elle puisse donner aux hommes, leur démontrer cette vérité qu’avaient méconnue les plus fameux philosophes anciens, que la sagesse et la vertu1 même ont besoin d’une mesure, sans laquelle elles deviennent inutiles, ou même nuisibles; rendre cette leçon comique sans compromettre le respect dû à l’homme honnête et vertueux, c’était là sans doute le triomphe d’un poète-philosophe, et la comédie ancienne et moderne n’offrait aucun exemple d’une si haute conception. […] Un philosophe sans humeur n’eût-il pas trouvé tout simple qu’un poète, et surtout un mauvais poète, défendît ses vers à outrance? […] Mais Molière a su tirer encore des autres personnages un comique inépuisable : l’humeur brusque et chagrine de madame Jourdain ; la gaieté franche de Nicole; la querelle des maîtres sur la prééminence de leur art ; les préceptes de modération débités par le philosophe, qui un moment après se met en fureur, et se bat en l’honneur et gloire de la philosophie; la leçon de M.