Comme il y avait longtemps qu’on ne parlait plus de petites comédies, l’invention en parût nouvelle, et celle qui fut représentée ce jour-là divertit autant qu’elle surprit tout le monde ; M. de Molière faisait le Docteur, et la manière dont il s’acquitta de ce personnage le mit dans une si grande estime que Sa Majesté donna ses ordres pour établir sa troupe à Paris. […] On y trouve des personnages froids, des scènes peu liées entre elles, des expressions peu correctes ; le caractère de Lélie n’est pas même trop vraisemblablea, et le dénouement n’est pas heureux ; le nombre des actes n’est déterminé à cinq que pour suivre l’usage qui fixe à ce nombre les pièces qui ont le plus d’étendue, mais ces défauts sont couverts par une variété et par une vivacité qui tiennent le spectateur en haleine, et l’empêchent de trop réfléchir sur ce qui pourrait le blesser. […] Trop de complication dans le nœud, et trop peu de vraisemblance dans le dénouement : cependant on y reconnaît dans le jeu des personnages une source du vrai comique ; pères, amants, maîtresses, valets, tous ignorent mutuellement les vues particulières qui les font agir : ils se jettent tour à tour dans un labyrinthe d’erreurs, qu’ils ne peuvent démêler. […] « [*]On remarqua, dans Le Cocu imaginaire, que l’auteur, depuis son établissement à Paris, avait perfectionné son style ; cet ouvrage est plus correctement écrit que ses deux premières comédies, mais si l’on y retrouve Molière en quelques endroits, ce n’est pas le Molière des Précieuses ridicules ; le titre de la pièce, le caractère du premier personnage, la nature de l’intrigue, et le genre de comique qui y règne, semble annoncer qu’elle est moins faite pour amuser les gens délicats que pour faire rire la multitude ; cependant on ne peut s’empêcher d’y découvrir en même temps un but très moral ; c’est de faire sentir combien il est dangereux de juger avec trop de précipitation, surtout dans les circonstances où la passion peut grossir ou diminuer les objets. […] Le personnage de Sganarelle semble avoir été introduit à l’imitation de ceux de Jodelet, de Gros-René, etc.