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19. (1919) Molière (Histoire de la littérature française classique (1515-1830), t. II, chap. IV) pp. 382-454

Toujours à ce même point de vue, je reprocherais à la morale de Molière son manque de délicatesse  : Molière manie rudement les femmes, et sur ce chapitre Arnolphe et Chrysale ne sont pas d’infidèles interprètes de sa pensée. […] Rappelons-nous Corneille, et comme le vers se moule à sa pensée. […] C’est qu’il faut des temps d’arrêt dans la conversation ; la parole ne suit pas immédiatement la pensée ; un style non seulement concis et ramassé, mais trop dense, fatiguerait promptement l’interlocuteur. […] Il essaye d’imiter ou de reproduire le jaillissement même de la parole, lorsqu’on fait parler les autres, comme font Racine et Molière, et, quand on parle soi-même, pour son compte et en son nom, comme Bossuet et Pascal, la génération de la pensée. La pensée se présente à nous totale et indivise, confuse et indéterminée, embarrassée, si je puis ainsi dire, de contrepensées qui la complètent ou qui la restreignent.

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