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17. (1852) Molière — La Fontaine (Histoire de la littérature française, livre V, chap. I) pp. 333-352

Il ne faut pas demander à la comédie ce qui n’est point de son ressort et suivre dans leurs scrupules exagérés ces rigoureux censeurs qui, appliquant au théâtre des principes d’un autre ordre, s’alarment des peintures hardies de la scène et de quelques saillies d’humeur gauloise qui sont les privilèges du genre. […] Ces vers si souvent cités : C’est par là que Molière, illustrant ses écrits, Peut-être de son art eût emporté le prix, Si, moins ami du peuple en ses doctes peintures, Il n’eût point fait souvent grimacer ses figures, Quitté pour le bouffon l’agréable et le fin, Et sans honte à Térence allié Tabarin, auraient quelque fondement si Molière eût mêlé dans ses chefs-d’œuvre le bouffon au comique noble ; mais ne l’ayant point fait, on ne voit pas par quelle sorte de contagion Les Fourberies de Scapin, George Dandin ou La Comtesse d’Escarbagnas pourraient aller corrompre la beauté dans les pièces où elle se trouve sans alliage et enlever ainsi à Molière la palme qu’aucun poète comique n’osera lui disputer. […] L’apologue de La Fontaine tient à l’épopée par le récit, au genre descriptif par les tableaux, au drame par le jeu des personnages et la peinture des caractères, à la poésie gnomique par les préceptes. […] La Fontaine a réellement sous les yeux ce qu’il raconte, et son récit est une peinture ; son âme, doucement émue du spectacle dont elle jouit seule d’abord, le reproduit en images sensibles.

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