Joignez à ce vice le persiflage glacé par lequel don Juan accueille les plaintes si tendres et si touchantes d’Elvire, son insolence envers son père, sa sèche indifférence devant des paroles hautes et superbes, dignes de Corneille ; et encore l’hypocrisie qui vient s’ajouter par la suite à tout ce beau caractère ; ajoutez à cela le plaisir bas et brutal de faire renier Dieu à un pauvre pour de l’argent, et demandez-vous comment Molière aurait dû s’y prendre, le crime excepté, pour rendre don Juan plus odieux. […] Mais que dire de la scène où Sganarelle, voulant prouver l’existence de Dieu, s’embrouille dans son raisonnement et finit, en tournant sur lui-même, par tomber par terre, donnant par là occasion à don Juan de triompher de lui par cette pauvre plaisanterie : « Voilà ton raisonnement qui a le nez cassé ! […] C’est aussi par de faux et frivoles scrupules que Molière a été obligé de sacrifier la scène du pauvre, ou du moins de la réduire dans les éditions imprimées à un texte insignifiant. Cette scène scandalisa parce qu’on y voit don Juan offrir un louis d’or à un pauvre à la condition de prononcer un jurement. […] C’est le grand seigneur qui est impie ; c’est le pauvre qui refuse de nier Dieu.