Son pere, devenu infirme, ne pouvant suivre la cour, il y alla remplir les fonctions de sa charge, qu’il a depuis exercées jusqu’à sa mort ; mais, à son retour à Paris, cette passion pour le théatre, qui l’avoit porté à faire ses études, se réveilla plus vivement que jamais. […] La passion du bel esprit, ou plûtôt l’abus qu’on en fait, espéce de maladie contagieuse, étoit alors à la mode ; le stile empoulé & guindé des romans, que les femmes admiroient par les mêmes côtés, qui depuis ont décrédité ces ouvrages, avoit passé dans les conversations ; enfin le vice d’affectation répandu dans le langage, & même dans les pensées, s’étendoit jusques dans la parure, & dans le commerce de la vie ordinaire. […] Le tître de la piéce, le caractére du premier personnage, la nature de l’intrigue, & le genre de comique qui y régne, semblent annoncer qu’elle est moins faite pour amuser des gens délicats, que pour faire rire la multitude ; cependant on ne peut s’empêcher d’y découvrir en même tems un but très-moral ; c’est de faire sentir combien il est dangereux de juger avec trop de précipitation, sur tout dans les circonstances où la passion peut grossir ou diminuer les objets. […] On retrouva, dans le rôle de Béline, un caractére malheureusement trop ordinaire dans la vie civile ; & l’on vit, avec plaisir, la sensible Angélique oublier les intérêts de sa passion, pour ne voir, dans son pere mort, que l’objet de sa douleur & de ses regrets. […] Semblable au peintre habile, qui, toujours attentif à remarquer, dans les expressions extérieures des passions, les mouvemens & les attitudes qui les caractérisent, rapporte à son art toutes ses observations ; Moliere, pour nous donner sur la scéne un tableau fidéle de la vie civile, dont le théatre est l’image, étudioit avec soin le geste, le ton, le langage de tous les sentimens dont l’homme est susceptible dans toutes les conditions.