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32. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

Mais si un comédien pense et écrit de façon spéciale, encore plus une comédienne, qui joint au tour d’esprit et de langage particuliers à sa profession celui qu’elle doit à son sexe. […] II faut distinguer d’abord les faits généraux se rapportant au milieu où vivait Armande : ils sont généralement exacts ; et les faits particuliers qui lui sont attribués : la plupart sont imaginaires. […] Dans la grande querelle qui précéda la séparation de 1666, elle déclara bien haut « qu’elle ne pouvoit plus souffrir un homme qui avoit toujours conservé des liaisons particulières avec la de Brie, qui demeurait dans leur maison et qui n’en étoit point sortie depuis leur mariage. » Elle exagérait sans doute un peu en précisant ainsi son grief ; Molière était alors trop épris de sa femme pour l’abandonner si tôt. […] Mais ma femme, toujours égale et libre dans la sienne, qui seroit exempte de tout soupçon pour tout autre homme moins inquiet que je ne le suis, me laisse impitoyablement dans mes peines ; et, occupée seulement du désir de plaire en général comme toutes les femmes, sans avoir de dessein particulier, elle rit de ma faiblesse. » Il y a bien là un air d’arrangement, une insistance maladroite sur la parfaite innocence d’Armande, qui compromettent la cause même que Grimarest veut servir. […] La veuve de Molière eut donc à vaincre des résistances d’autant plus fortes qu’elles s’appuyaient sur une prescription formelle et sur une antipathie particulière inspirée au clergé par le défunt.

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